Ascension de Jungfrau Marathon

Le récit de l’exploit par Kathy Choong

Jungfrau Marathon est une voie cotée 9a située à Gimmelwald dans le cadre somptueux des alpes bernoises en Suisse. Après avoir fait ma première 9a en Valais en 2018, je voulais absolument réitérer la performance. Il s’agit avant tout d’un challenge personnel, de dépasser mes limites à nouveau mais cette fois de sortir un peu plus de ma zone de confort et de se lancer dans une voie qui n’est pas dans mon style de prédilection et qui n’avait pas encore été faite par une femme. Gimmelwald est un endroit magique. Entouré de montagnes enneigés, un gros devers surplombe une vallée paisible où, à part quelques beuglements de vache ou le cri de quelques grimpeurs qui tombent le nez sous le relais, c’est un endroit extrêmement paisible. Une cascade se déverse à quelques mètres en dessus de nos têtes, c’est presque too much tellement c’est beau 😉. C’est donc tout naturellement que j’ai choisi cet endroit pour investir du temps et de l’énergie dans un nouveau projet.

La voie est relativement courte (une vingtaine de mètres), bien déversante (35/45 degrés), mêlée de mouvements dures sur mauvaises prises parfois éloignées. 

Après un passage avec de mauvaises inverses qui te crâment comme il faut, au crux qui consiste à tenir une mauvaise prise en épaule pour aller chercher loin une pince en inverse. Depuis l’année passée, je tombe dans ce mouv’ de la voie qui consiste pour les naines comme moi à un mouvement très dynamique et aléatoire que je n’arrivais pas à réussir dans l’enchaînement. 

Je m’y suis mise l’année passée en octobre. J’ai rapidement trouvé mes méthodes et je tombais déjà dans le mouvement dynamique du crux. Très proche de l’enchaîner, la neige m’a contrainte à stopper mes essais fin novembre 2018. La mauvaise météo du printemps ne m’a laissée y retourner qu’en début juin 2019. Les plus forts diront que ce sont des excuses mais les grandes chaleurs de l’été n’étaient vraiment pas favorables à l’enchaînement dans cette falaise où les condis peuvent vraiment faire la différence. (…) Je suis arrivée à la fin de l’été et finalement je n’avais pas du tout progressé dans mon projet en falaise, au contraire, et à la fin d’une première partie de saison de compétition désastreuse. Je m’entêtais dans ma méthode dans le crux de Jungfrau Marathon et je commençais vraiment à avoir des doutes sur mes capacités à sortir la voie un jour. Aucune grande croix dans l’année, des résultats pas terribles en compet, ça devenait très difficile mentalement de garder la motiv’ et la confiance en moi et ça se ressentait clairement dans mes essais dans la voie. La semaine de la réussite, pas même capable d’atteindre le crux, un ami me suggère finalement d’essayer la méthode des mecs qui implique de monter le pied plus loin latéralement. 100% sûre d’avoir essayé cette méthode l’année d’avant et qu’elle ne me convenait pas, je tente quand même le coup et là miracle, je peux faire le mouvement quasiment statiquement, un soulagement pour moi qui ne suis toujours pas fan des mouv’ dynamiques ! Là ce fut le déclic et le mental a repris le dessus. La session suivante la voie était pliée au 1er essai de la journée ! Je me sens vraiment un peu bête de m’être obstinée sur ma méthode, persuadée que celle des mecs était trop morpho pour moi. 

C’était une journée mémorable, entourée de plein d’amis qui m’ont encouragée, partager ce moment avec eux a rendu cet instant encore plus spécial.

Quand j’ai clippé le relais, c’était tout d’abord une explosion de joie. La joie d’avoir à nouveau dépassé mes limites physiquement mais surtout mentalement. Tous les efforts, le temps investi, la sueur, la frustration prenaient enfin du sens.

Kathy