Ou quand la neige tombe la nuit et le soleil brille le jour.
Carlos, Cristel, François, Jean-Charles, Judith, Lydie et moi descendons du bus à Turra (1694m) dimanche en cours d’après-midi. Félicie nous rejoindra en soirée, Agnès en cours de journée de lundi car elle participe au Marathon de l’Engadine à ski de fond ! Une impression de déjà vu cet hiver : il n’y a presque pas de neige. Nos esprits turbinent pour échafauder des plans B ; nous nous félicitons d’avoir pensé à emporter des jeux et des chaussures de marche.

Peine inutile puisque la nuit gratifie la nature d’un joli manteau blanc que nous apprécions à sa juste valeur au réveil. Tout autant que le ciel dégagé, même si les nuages ne s’en vont jamais d’eux-mêmes : une belle brise souffle sur le Safiental. C’est parti pour le fond de vallée de la Rabiusa et une longue montée vers le Bärahora (2929m). L’arrivée sur l’arête puis au sommet s’avère ventée à souhait et franchement frisquette. Nous ne nous attardons pas et prenons le chemin du retour dans une neige où les virages s’enchaînent d’eux-mêmes … jusqu’à 2000m. Plus bas, le ski devient laborieux, le peu de neige oblige à une extrême vigilance. Si les nuits sont froides, la température monte vite en journée et les coteaux se dégarnissent de neige. Qu’à cela ne tienne, nous prenons notre temps et tout se passe au mieux. Retour skis aux pieds jusque sur la porte de notre gîte.

Deux mots de cette maison Walser transformée en hôtel pour randonneurs à pied, à vélo ou à ski. Elle est tenue par un hôte et du personnel attentif au moindre détail qui puisse rendre votre séjour agréable. Un jour, notre hôte nous a offert des parts de tarte aux pommes au motif qu’elles dataient de la veille. Au retour de notre dernière course, ce fut l’apéritif et les croissants au jambon ! Je ne vous dis rien de ce qui se trouvait dans nos assiettes le soir au risque de vous savoir y faire courir lors de vos prochaines vacances.
Nous avons fait notre première course en jouant au chat et la souris avec un couple d’Allemands qui logent au même endroit que nous. Mardi matin, la dame (Stefanie) nous annonce que son conjoint n’est pas bien et restera au chaud en nous demandant si elle peut éventuellement se joindre à notre groupe. Proposition bien naturellement acceptée. Voilà le groupe devenu bilingue. Comme le fond de vallée semble un bon plan, nous y retournons. Nous montons cette fois sur la rive gauche de la Rabiusa et nous dirigeons vers le Strätcherhora (2558m). La première partie de la montée emprunte un chemin d’été puis nous traçons en fonction de la pente. La neige tombée dans la nuit de dimanche à lundi est restée étonnamment bonne. La redescente nous permet de constater qu’elle est même franchement bonne. Et elle le reste jusque dans la vallée !
Nouvelles chutes de neige dans la nuit de mardi à mercredi, 15-20 centimètres dans le fond de vallée. Nous en profitons pour monter droit dans la pente en direction du Piz Tomül (2946m)… avec Stefanie et Roland, son compagnon. Il a, lui aussi, l’air de bien apprécier l’ambiance qui règne dans notre groupe. La première heure sur un chemin d’été jusqu’aux derniers alpages, puis dans la pente. Mon premier virage dans une déclivité de 20 bons degrés déclenche un ‘vroummm’ bien sourd et provoque deux lézardes de plusieurs mètres dans le manteau neigeux en-dessus du groupe. L’endroit ne présente pas de vrai risque qu’une plaque se détache, mais l’avertissement est suffisant pour que nous renoncions au Piz Tomül dont les pentes finales se situent dans les 30-35 degrés. Nous obliquons donc vers le sud et cherchons les pentes qui nous permettent de progresser sans danger vers le Strätcherhora que nous abordons aujourd’hui par sa face ouest. La redescente nous offre une fois encore une très belle session de ski, dans de la neige légère, peu altérée par un soleil pourtant bien présent : en fin de journée, les pentes sud sont sans neige jusqu’à 2000 mètres !

Départ vers le sud-ouest jeudi matin en direction d’un sommet sans nom (2738m) qui semble devoir son signalement sur la carte au point géodésique qu’on y a planté. Peu importe, il culmine au-dessus de superbes pentes, sans dangers majeurs et libres de toutes traces de ski quand nous y arrivons. Le rêve de tout randonneur : pouvoir choisir sa ligne et la tracer à sa guise. Avant de s’arrêter, de se retourner et de regarder le résultat, bien naturellement ;-). Moment de bonheur aussi éphémère qu’agréable, tant à la montée (pour celles et ceux qui aiment tracer) qu’à la descente.
Le retour dans la vallée s’avère sportif. Un enthousiasme un peu trop accentué nous fait rater un changement de vallée. Nous voilà à longer une épaule étroite puis le cours d’un ruisseau qui nous amène à retirer et porter nos skis sur une bonne centaine de mètres. L’opération se déroule au mieux et nous voilà déjà filant en fond de vallée vers notre gîte.
Une douche et nous voilà au soleil sur la terrasse à prendre l’apéritif mentionné plus haut, à échanger des adresses avec Stefanie et Roland avant qu’ils ne prennent la route vers l’Allemagne. Presque un pincement au coeur tant ces deux-là sont sympathiques. Il nous reste à savourer notre dernière soirée avant de nous en retourner nous aussi dans nos foyers. En plaine, la nature a revêtu son manteau vert printanier. Nous restent les souvenirs d’une neige qui a bien voulu être présente au bon endroit et au bon moment sous un ciel d’azur. Que du bonheur.